- © Sylvie Evrard
N’avez-vous jamais eu envie de traverser l’écran de votre ordinateur, prendre tous les bateaux, tous les avions, toucher du doigt les sables du désert, la glace des plus hauts sommets, tremper le pied dans une mer turquoise puis explorer en pirogue ou à dos de chameau le bassin amazonien et le djebel du Yemen ?
Né en 1962 au sud de Liège, je voulais être Tintin ou rien, je m’inventais un monde de voyages et d’aventures où je croiserais Rackham le Rouge et le général Alcazar, le milliardaire Laszlo Carreidas et même le méchant Rastapopoulos. Toute aventure devait être vécue pour tenir la promesse de mes rêves d’enfant. Surtout, ne pas devenir un autre Séraphin Lampion.
J’ai tenu parole. Reporter, grand reporter, en trente ans j’ai sillonné quatre-vingts pays pour le journal Le Soir de Bruxelles. J’ai couvert une demi-douzaine de guerres, écrit des milliers d’articles qui parlent de gisements d’or, d’émeraudes et de diamants, de guérillas, de trafic d’armes, de producteurs de stupéfiants et mafieux russes. Mais ma route était aussi jalonnée de douleurs muettes et de gens simples, attachants, de rires et de larmes, d’autant de paradis qu’il existe d’enfers.
Un jour, les guerres m’ont submergé, les articles ne m’ont plus suffit. Il me fallait des livres entiers et la liberté du roman pour expliquer l’assassinat d’un ami (N’oubliez pas le guide, 2004), la beauté fascinante d’un Afghanistan sous la coupe de criminels (Le femme héroïne, 2007) ou le sacrifice de médecins humanitaires qui soignent la misère au bout du monde, au risque d’y perdre leur propre famille (Ma plus belle déclaration de guerre, 2014).
Mon dernier livre parle de révolte. Lorsque le monde se réduit à un paquet d’argent, aux conforts égoïstes, aux pauvres-toujours-plus-pauvres et riches-toujours-plus-riches, une envie de révolution vous saisit : l’envie de tout envoyer valdinguer et de prendre les armes (Et dans la jungle, Dieu dansait, 2016). Mais où nous mènerait cette violence ?
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