J ’habite Schaerbeek, dans un quartier populaire. J’adore la rue où je vis. Les gens s’y disent bonjour.
J’ai quatre enfants formidables.
Deux chats.
J’ai fait des études de droit, puis je me suis tournée vers le théâtre.
Je n’ai jamais imaginé que j’écrirais.
Dans mon école de théâtre, j’étais une des plus âgées. La plupart avait dix-huit ans, moi, vingt-trois. Souvent, les textes qu’on nous proposait ne me satisfaisaient pas totalement. Je les réécrivais. En sortant de l’IAD, j’ai continué : adaptation de romans, écriture de textes de théâtre pour enfant et puis pour adulte, pour mes amis et pour moi. Je ne pensais pas que c’était le début de l’écriture. Je croyais que je continuais à faire du théâtre. Moi, ce que j’adorais, c’est jouer.
En travaillant les mots, j’ai découvert que j’aimais écrire, qu’une journée écrite était réussie. Sur le papier, je pouvais déposer mes questions, mes colères, mes peines, tous ceux que j’avais perdus. Écrire, ça ne coûte rien, tu peux le faire à l’heure qui te chante, où tu veux, sans déranger personne.
Quand j’ai été enceinte pour la première fois, une voisine m’a dit : « Tu verras, quand elle sera née, tu ne pourras plus rien faire. » Je ne pouvais pas croire ça. Dire que parce qu’on a un enfant tout s’arrête. Quand mon enfant est arrivé, je me suis rendu compte qu’il avait besoin de moi tout le temps. J’avais eu l’habitude de ne pas avoir d’horaire, de courir où bon me chantait. Difficile de prendre le large. Et pourtant, cela m’était indispensable, comme boire et manger.
Alors, il y a eu l’écriture.
Quand tu écris, tu fais des voyages dans ta tête, tu pars à mille lieues et, en même temps, tu restes là, physiquement, et si ton enfant a besoin de toi, tu es en mesure d’atterrir illico. Écrire m’offre deux vies simultanées. Une vie ici et une autre, très loin, dans ma tête.
En 2008, mon fils est né.
Il ne dormait pas.
Moi non plus.
Passer son temps à regarder la lumière des réverbères, alors que tout le monde est endormi, ça finit par gaver.
Je me suis mise à écrire, plus du théâtre cette fois, un roman. Juste pour voir si j’étais capable. Et je suis arrivée au bout. Et puis j’ai eu un autre enfant et j’ai écrit un deuxième roman, et ainsi de suite.
Rodney Saint-Éloi, un ami écrivain haïtien, dit : « Geneviève, elle fait des livres et des enfants. Mais elle ne sait pas cuire le riz. »
Il a raison, pour le riz, je ne suis vraiment pas douée.
Geneviève Damas lit un extrait de Patricia (6min.)